Communiqué - 18/06/2007

"un centre-ville pour tous" écrit au Procureur de la République de Marseille

Monsieur Jacques Beaume
Procureur de la République
 Prés le Tribunal de Grande Instance
 de Marseille

 

Objet : Saisines de la HALDE en date du 6 juillet 2006 contre la Direction de Services Fiscaux

V/réf : PR/07/00038-06/900009

 Monsieur le Procureur,
 
  Nous avons bien reçu votre courrier du 5 mai dernier nous informant de votre décision de classer sans suite la procédure citée en objet de votre saisine par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité ( HALDE). Pourtant celle-ci, dans sa délibération n°2006-140 du 19 juin 2006, a conclu à l’existence d’une discrimination indirecte, conséquence du dispositif mis en place par la Direction des Services Fiscaux des Bouches-du-Rhône (DSF). Elle a par ailleurs conclu qu’il existait suffisamment d’éléments réunis pour vous demander de mener une enquête pénale sur l’existence d’une discrimination directe intentionnelle. 

 Aussi, bien que nous prenions acte de votre conclusion sur l’absence d’un délit intentionnel de discrimination, nous tenons à exprimer notre désaccord sur la validation que vous faites dans votre décision du procédé utilisé par la Direction des Services Fiscaux de Marseille. Procédé qui a déjà fait l’objet, d’un examen par le collège de la HALDE, et dont la conformité aux lois et pratiques relève plutôt, nous semble-t-il, de la compétence du Tribunal Administratif.

  Tout d’abord, la lutte contre la fraude fiscale ne dispense pas l’administration du respect scrupuleux de la procédure. Or celle-ci a agi sur quelques points selon une pratique sans précédent. C’est pourquoi, l’on est en droit de se demander si la fragilité et le nombre des personnes concernées n’en fournissent pas en partie l’explication !
 Comment expliquer en effet que la DSF ait décidé, sans information publique préalable et un rappel à la règle, de radier 6.500 personnes des fichiers informatiques, et de retenir 4.500 déclarations de revenus 2004 (voir la note interne n°2005-132 du 18 juillet 2005 sur la gestion des faux résidents non imposables à l’impôt sur le revenu, signée par le directeur divisionnaire et diffusée auprès des centres des impôts, cellules d’accueil et SAID) ? En outre, pourquoi aucune des personnes concernées par ces deux actions n’a t-elle-été convoquée ni ne s’est vue réclamer des pièces, y compris relatives à la domiciliation ?
 En effet, plusieurs situations liées à la domiciliation sont englobées sous le vocable de « Fraude » après l’envoi par la DSF des imprimés pré-remplis, alors qu’un examen individualisé aurait permis de déceler des situations caractérisées par des expulsions illégales, d’autres par des changements d’adresse non-signalés, ou encore par la disparition d’immeubles de domiciliation – souvent gérés par des marchands de sommeil sans scrupule - dans le cadre d’opérations d’aménagement !. En d’autres termes les personnes concernées n’ont pas eu notification des décisions les concernant, alors même que le DSF ne pouvait ignorer les conséquences parfois dramatiques qu’aurait sur des centaines de personnes l’absence de l’avis fiscal ; 
 
 Par ailleurs, la note interne précédemment citée, faisant mention indirectement aux conventions internationales, ne permet pas d’exclure que des personnes étrangères aient été ciblées à l’origine de cette démarche ! Or chacun sait que le critère du non-paiement de la taxe d’habitation sur le secteur administratif concerné, recouvre principalement des meublés habités essentiellement au centre ville de Marseille par des personnes fragiles étrangères. Ce qui revient à cibler de façon quasi certaine des personnes en difficulté de logement : hébergés et résidents dans un habitat précaire, ce qui est la situation de nombreux hôtels meublés du centre-ville de Marseille. Le délit de discrimination ne saurait être réduit aux seules origines géographiques !
  Ce procédé est dangereux parce qu’il méconnaît la responsabilité individuelle des contribuables. Nous remarquons d’ailleurs que l’amélioration du contrôle, validée dans la circulaire du 24 avril 2006, postérieur à notre saisine de la HALDE est le résultat des protestations exprimées contre le procédé utilisé ; elle ne fait que rappeler les éléments de la charte du contribuable sur la nécessité du respect de la procédure écrite, elle est le désaveu pour la procédure mise en place par la DSF à Marseille.  Enfin, nous sommes consternés du fait qu’à l’issue de cette entreprise aucune fraude fiscale, aucun redressement fiscal, aussi bien en France qu’en direction de pays étrangers, n’aient été à notre connaissance mise à jour à l’encontre de personnes privées de l’avis fiscal. Tout au plus, nous notons une atteinte grave aux droits fondamentaux des personnes qui se sont vues suspendre, voire amputer leurs revenus faute de pouvoir fournir un avis fiscal. Cela concerne notamment les 55% réintégrés, après parfois plusieurs mois d’attente, alors que selon la note des services fiscaux ils étaient présumés « faux résidents » et bénéficiaires « d’avantages sociaux indus ». 
 
  Enfin concernant l’enquête que vous avez diligentée, nous regrettons que les plaignants et Monsieur Abouakil, membre de notre bureau, n’aient eu à connaître ni des questions posées à la DSF ni des réponses de celle-ci. Cela aurait sans doute permis de tempérer quelques-unes des conclusions rapides sur ce sujet complexe.
 
 Vous comprendrez certainement pourquoi, dans l’intérêt des résidents des hôtels meublés qui ont été lésés, nous tenons à vous faire part de notre point de vue. Nous comptons informer de cette démarche aussi bien le Président de la HALDE que les quelque 1.500 signataires qui ont soutenu, par voie de pétition, notre saisine auprès de cette instance. Bien entendu nous restons à votre disposition pour les informations complémentaires que vous souhaiteriez.

  En vous remerciant pour l’attention que vous voudrez bien porter à nos remarques, veuillez croire, Monsieur le Procureur, à l’expression de nos sentiments respectueux.        

Le Président

         Daniel Carrière

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