A propos d’une conférence de presse de l’association « Un centre ville pour tous » - 31/12/2013
Les statistiques concernant la population « résidente » exposées, par exemple, par l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Marseillaise, sont tirées des comptages et estimations de l’INSEE qui ne suffisent plus à qualifier la situation réelle. S’il fallait évoquer une donnée signifiante ce serait celle-ci, issue de travaux de recherche : plus de la moitié des ménages vivant dans les trois premiers arrondissements de Marseille ont des revenus inférieurs au « seuil de pauvreté ».
Un constat du même genre peut être évoqué : il concerne l’état du « mal logement » qui, lui aussi, demanderait une analyse en « porte à porte » pour qualifier précisément l’insalubrité ou la dangerosité des immeubles et les conditions de leur exploitation : les marchands de sommeil existent toujours, les propriétaires négligents aussi, sans qu’un état des lieux exhaustif existe.
En complément de cette question essentielle du logement, se pose celle des espaces et services publics profondément déficients : absence de réels lieux de rencontre apaisés (l’avenir de la place de la Providence nous inquiète, des cœurs d’îlots qui pourraient s’ouvrir à des pratiques publiques mériteraient une réflexion...), le soutien des familles dans l’éducation des enfants exige des services adaptés.
Puis la tenue de l’espace public laisse à désirer : la saleté, les rats, les ordures, l’absence d’entretien, les travaux sans fin, les odeurs, l’encombrement et l’indiscipline automobile qualifient le quotidien des ambiances des quartiers centraux.
Heureusement des citoyens s’emparent de leurs rues, les fleurissent, les balayent, mais, attention, au-delà d’une impression poétique se cache, probablement, des attentes ou des révoltes qui pourraient prendre d’autres formes face à l’indigence de l’action publique.
L’actuel « projet de grand centre ville » porté par la ville et la SOLEAM ressemble à un leurre ou à une maladresse : une trentaine de sites vont être étudiés pour aboutir, à des propositions d’actions. Mais pour savoir où l’on va il y manque une stratégie globale, partagée par tous, y compris lapopulation.
D’ou la nécessité absolue de disposer d’un diagnostic approfondi qui pourra servir de base à un VRAI PROJET initiant de VRAIES SOLUTIONS.
-----------------
Les acteurs publics ont eu tendance à fermer les yeux et à provoquer des interventions plus ou moins discrètes et opportunes visant la gentrification forcée. Il s’agit là d’une autre négation face au « mélange » des populations qui est déjà une réalité et depuis longtemps.
Nous portons la conviction que si la pauvreté est un fléau à éradiquer, il ne serait en être de même des « pauvres » eux-mêmes et de leurs « quartiers ». Nous le disons tout net : notre regard sur les populations de la métropole marseillaise touchées par les différentes formes de pauvreté doit opérer une sorte de révolution copernicienne.
Cette part importante de notre collectivité, ce sont des acteurs de notre histoire locale et depuis longtemps, des contributeurs à notre démographie (notamment la plus grande part de notre jeunesse), des animateurs de dynamiques économiques et territoriales, des questionneurs de nos valeurs (notamment de nos capacités au « vivre ensemble »), des contributeurs à notre culture.
C’est pourquoi, à nos yeux, à l’inverse des argumentaires de répulsion, le fait que Marseille ait gardé les pauvres à l’intérieur de son territoire et jusque dans son centre est un défi, une exigence, une charge, mais aussi une fierté pas une honte, un atout pas une menace. Ce serait une faute que le défi ne soit pas relevé, mais d’abord une erreur dans l’intelligence de ce territoire que de ne pas voir que ses habitants « pauvres » sont aussi un de ses atouts et des acteurs avec qui relever ce défi.
---------------
Centre Ville Pour Tous entreprend désormais un travail de réflexion partagée qui permettra de donner corps à la mise en œuvre de ce projet déterminant pour la bonne « santé » du centre de la ville. Un « guide de l’action publique » pourrait en constituer le jalon majeur ainsi que seraient définies les modalités de la mise en place d’une « maîtrise d’usage » impliquant les habitants.
Quelques orientations permettent de dévoiler les axes de travail qui seront :
• Qu’il faut reconnaître le centre de la ville capitale de Région dans sa diversité sociale, héritée de sa position de ville – port du pourtour méditerranéen : un centre habité est une richesse incontestable pour une grande ville, Marseille étant atypique dans le concert des grandes villes
européennes
• Qu’il est indispensable d’adapter à cette particularité les politiques publiques, lesquelles ont tenté ces dernières décennies de mettre en place ou de laisser s’installer à l’initiative de sociétés privées des stratégies inadaptées de gentrification forcenée, voire sous l’égide de concessionnaires publics, autant de pratiques néfastes à l’égard des populations fragiles.
Citons notamment à ce propos les Périmètres de Restauration Immobilière du Panier et de Noailles dont la mise en œuvre il y a une douzaine d’années fait actuellement l’objet de l’attention de la Chambre Régionale des Comptes et la rue de la République où la rénovation « au pas de course » des nombreux logements vacants a donné lieu à de nombreuses attitudes très contestables à l’adresse des locataires formées par le fonds de pension Lone Star, commanditaire de Marseille République – ATEMI et de EURAZEO - ANF. Centre Ville Pour Tous a développé l’énergie nécessaire pour soutenir les locataires maltraités et obtenir, très souvent, le respect de leurs droits.
• Qu’il est indispensable de lutter implacablement contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil qui continuent à nuire. La justice a mis en place un « Groupe Opérationnel de Lutte contre l’Habitat Indigne », auquel CVPT est convié, qui commence à exposer des résultats, mais qui reconnaît également que la tâche est rude et ne donnera des résultats tangibles qu’à long terme.
• Qu’à coté du logement, les sujets de l’espace public, des services publics et privés sont négligés et qu’il nous paraît absolument nécessaire de construire un véritable projet qui apporte des solutions efficaces. De ce point de vue, il faut, que le logement insalubre et/ou dangereux fasse l’objet d’une expertise en « porte à porte » qui fournisse des informations nécessaires qui devraient remplacer les études réalisées sur la base des simples informations de l’INSEE.
• Que parallèlement, une étude sérieuse soit entreprise sur la précarité de certaines populations pour évaluer les solutions de soutien indispensables à la satisfaction des principes de base de la justice sociale.
• Que les modes de financement du logement social prennent en compte la nécessité d’installer de « l’hôtellerie » sociale nécessaire à la satisfaction de besoins visibles ou, selon une formule que nous pratiquons : « fabriquer une offre qui soit concurrentielle à celle des marchands de sommeil ».
Nous vous donnons rendez vous à la fin du printemps pour vous faire profiter de l’évolution de nos travaux.