L'ASSASSINAT de l'ancien ministre Aboubakr Belkaïd, jeudi 28 septembre, en plein centre d'Alger, a jeté la consternation au sein de la nomenklatura civile algérienne dont il était resté une des figures marquantes. Il n'avait pas cessé, malgré son retrait de la scène publique, d'être partie prenante du jeu politique.
M. Belkaïd est la troisième personnalité de haut rang à trouver la mort dans un attentat depuis le début des violences au printemps 1992 le président Mohamed Boudiaf a été assassiné en juin 1992 et l'ancien premier ministre Kasdi Merbah en août 1993 mais c'est la première fois qu'un homme du sérail est tué depuis que les grandes manoeuvres pour l'élection présidentielle du 16 novembre semblent bien engagées.
Né à Tlemcen, dans l'ouest du pays, âgé de soixante et un ans, Aboubakr Belkaïd avait derrière lui une longue carrière politique, entamée pendant la guerre d'indépendance. Un moment tenté par l'opposition, il avait participé à la création du Parti de la révolution socialiste (PRS) de M. Boudiaf et du Front des forces socialistes (FFS) d'Aït Ahmed. Il rentra dans le rang pour devenir une personnalité de poids au sein du FLN.
Membre influent de la puissante Organisation des moudjahidins (ONM), anciens combattants, il fut plusieurs fois ministre et notamment de l'intérieur, au lendemain des émeutes d'octobre 1988 . C'est à ce titre qu'il a légalisé le Front islamique du salut (FIS) en mars 1989. Il a aussi brièvement détenu, en 1992, le portefeuille de la communication. Mais il a surtout joué un rôle important dans les coulisses, en parfait connaisseur des arcanes du pouvoir, nouant intrigues et manoeuvres politiciennes.
C'est ainsi qu'après avoir approuvé la suspension du processus électoral, il avait contribué au retour du président Boudiaf, en janvier 1992. Il a cherché, avec des fortunes diverses, à remodeler le paysage politique de l'après-88, et s'était attelé à susciter, sans résultat apparent, une alliance entre l'Ouest et le Centre pour faire contrepoids au pouvoir toujours issu de l'Est. Habile et rusé, Aboubakr Belkaïd se présentait comme un « homme d'ouverture », récemment acquis au « dialogue » qu'à ses yeux le président Liamine Zéroual n'était pas à même de conduire efficacement.