TROIS petites filles marchent sur des cailloux et des débris de verre. Il n'y a pas d'allées goudronnées ni de bacs à sable à la cité Bassens, dans les quartiers nord de Marseille, où le taux de chômage atteint 20 %.
Cent cinquante familles vivent dans ce décor du bout du monde, coincées entre une zone industrielle, une rocade, une voie de chemin de fer. Seul lieu de vie : une boulangerie. Presque un mirage surgi en avril 1990 dans un ancien appartement en rez-de-chaussée. Deux ans et demi d'acharnement ont été nécessaires à deux jeunes de la cité, Rachid Nalouf et Tahar Bouzidi, 24 ans chacun, nés en France de parents algériens, pour concrétiser leur projet. " C'était ça, avec l'espoir de créer d'autres emplois sur place, ou bien fermer les yeux et laisser augmenter la délinquance ", explique Rachid Nalouf. Ancien animateur d'une association de jeunes, il avait finalement mesuré les limites de l'action sociale, lui préférant l'action tout court. " La boulangerie a calmé le climat dans le quartier, assure-t-il. Le matin, les jeunes viennent y lire le journal et regarder les offres d'emploi. Nous en avons déjà pris en stage. La boulangerie leur donne de l'espoir. Si nous échouons, eux aussi échouent. "
Pour les épauler, Rachid et Tahar ont trouvé un partenaire attentif : la Fondation pour la cohabitation des communautés et la coopération internationale (F3CI). Créé à Marseille en 1986, cet organisme, soutenu par la Caisse des dépôts et consignations et la Fondation de France, conseille les futurs créateurs d'entreprises issus de milieux défavorisés. Il étudie les projets, réalise des études de marché, aide à la recherche de fonds et monte les dossiers et assure le suivi. La boulangerie fait partie des 340 entreprises nées en France depuis 1986 avec son appui et celui de ses quatre délégations régionales. 270 sont toujours en activité et comptent environ 450 salariés au total.
Intérêts économiques et ambition sociale
En région Provence-Alpes- Côte d'Azur (PACA), 53 entreprises ont été créées depuis janvier 1991, dont la moitié par des jeunes immigrés ou issus de l'immigration, notamment maghrébine. Première au hit-parade national des créations d'entreprises, la région PACA détient aussi le record des échecs : 61 % des entreprises disparaissent dans les quatre années suivant leur naissance. Un taux que les responsables de la fondation F3CI sont fiers de comparer avec celui de leurs protégées : 25 % d'échecs au bout de quatre ans.
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